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Zemmour : la haine, les médias et la pub

Dernière mise à jour : 22 nov. 2020



Peut-on imaginer un autre cas où un individu condamné pour des propos qu'il n'a jamais désavoués, soit embauché par une chaîne de télévision en prime-time en tant qu'expert du domaine ? Qu'on lui demande de participer à des débats sur des sujets pour lesquels la justice l'a déjà sanctionné ? Un auteur d'outrages sexistes embauché pour parler de féminisme ? Un homophobe pour commenter la gay-pride ? Un condamné pour incitation à la haine religieuse anti-musulmans pour parler d'Islam ? On a pourtant assisté à une telle ignominie sur CNews et Paris Première, à l'heure où les Français passent à table. Et M. Zemmour n'est pas invité pour un débat ponctuel, il est salarié, un permanent de l'émission : il disposera de quatre jours par semaine sur CNews et un jour par semaine sur Paris Première pour continuer à développer ses thèses nauséabondes.

En confiant des émissions à un personnage condamné deux fois pour un discours incitant à la haine raciale puis à la haine religieuse et ne perdant aucune occasion de le réitérer, les chaînes font un choix conscient.


Ce choix consiste à considérer que l'audience du personnage, par les polémiques abjectes qu'il suscite, dans ou en dehors de l'émission, va permettre de vendre plus cher les espaces publicitaires dans ce créneau ou sur la chaîne tout entière.


Les marques achètent les emplacements publicitaires télévision des mois à l’avance, parfois concluent un contrat annuel avec une chaîne. Quand la chaîne programme une émission contraire aux valeurs et à l’éthique d’une marque alors que le contrat est déjà en cours, la marque se trouve devant un fait accompli.

Dans ce cas de figure, les marques doivent s'interroger

Si des marques y laissent leurs spots publicitaires, elles profitent donc du choix de la chaîne, le valident, et financent ce type de calcul où toute considération éthique a été balayée.


Mais certaines marques se désolidarisent de ce choix, retirent leurs spots. Cela leur vaut des reproches (voire des menaces) de certains, qui les accusent de tuer la liberté d'expression et en filigrane d'oser contester le tout-puissant modèle économique "audience = argent". Mais de quel droit devrait-on empêcher les marques de considérer leur placement autrement qu'en fonction des audiences ? De plus en plus d'entreprises s'engagent maintenant pour des valeurs positives de tolérance, de respect de toutes les différences, et ne désirent pas être associées à des contenus totalement contraires à ces valeurs. Leur investissement - humain, stratégique et financier - dans le développement de chartes de responsabilité sociale, écologique ou autre ne doit pas être anéanti par un placement publicitaire toxique.  


Doit-on, au nom de la liberté d'expression, les empêcher de décider du contenu qu'elles sponsorisent ?

Doit-on, au nom de la liberté d'expression, nier la nôtre, qui les alertons de leur présence dans ces créneaux ?

Doit-on, en tant que consommateur, accepter que, lorsque nous achetons un produit, nous participions à la surexposition médiatique des théories nauséabondes et mortifères d'un délinquant récidiviste, d'un VRP du discours de haine ?


La liberté d'expression permet à chacun de s'exprimer dans le cadre de la loi.

Mais il ne s'agit ni d'un droit à se voir offert un espace médiatique pour exposer ses thèses, ni à recevoir un salaire proportionnel au buzz généré par ses propos, ni d'une obligation des entreprises privées d'investir leur budget dans les tribunes qui sont offertes à des racistes condamnés.


Si on accepte que la logique commerciale pousse les dirigeants de médias à exposer certains discours indépendamment de leur pertinence, de leur qualité ou du respect des valeurs communes de fraternité qui devraient nous animer, alors il faut également accepter que la même logique commerciale puisse s'exercer au dépens des personnes qui colportent le discours de haine et de leurs employeurs.

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