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Quand une écotaxe rentabilise le site web de Valeurs Actuelles

Dernière mise à jour : 2 janv. 2021



Plombé par l'hémorragie des annonceurs e-marketing qui fuient ses contenus insoutenables, le site Web de Valeurs Actuelles a développé une curieuse stratégie pour rentabiliser ses espaces : le remboursement de l'éco-contribution


Une taxe pour le recyclage du papier

Depuis 2016, dans le cadre de la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), les éditeurs de presse papier doivent s'acquitter d'une taxe de contribution à la collecte et au recyclage des masses de papiers qu'ils émettent.

Gérée par l'entreprise à mission Citeo (ex Ecofolio/Écoemballages), cette taxe, se monte à de plus de 6€ par tonne de papier émise. D'après nos évaluations, pour l'hebdomadaire Valeurs Actuelles, au titre de sa diffusion physique (kiosque et abonnements papier), elle s'élèverait à un minimum de 2000€ par mois.


Dans les dispositions de l'article 91 de la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015, il est cependant précisé que cette taxe peut être acquittée en tout ou partie par une contribution en nature (pour une taxe écologique, on appréciera le jeu de mot). En effet, le media peut mettre à disposition de Citeo des emplacements publicitaires lui permettant de diffuser des messages au public favorisant les gestes de tri.


En clair, le média affiche des pubs Citeo (papier ou Web), et la facture de location de ces emplacement publicitaires qu'il émet vient en déduction de sa taxe écologique.


Des revenus publicitaires en chute libre

Le site de Valeurs Actuelles est en temps normal monétisé par de la publicité Web "classique" : des bannières sont payées par diverses marques privées via un système d'enchères qui rend plus chers les emplacements les plus convoités. C'est la loi de l'offre et de la demande qui prime. Donc un emplacement qui n'est demandé par personne devient très bon marché. Des annonceurs moins fortunés y voient leur publicité apparaître, ne paient pas cher, et ça ne rapporte plus grand-chose au site.


C'est ce qui se passe avec Valeurs Actuelles. Des centaines de marques ou agences web, soucieuses de leur image ou de celle de leurs clients, excluent ce site de leurs campagnes afin de ne pas être associées de près ou de loin avec les contenus hyper-orientés, intolérants, conspirationnistesistes ou haineux. Des publicités de moins en moins bonne qualité y apparaissent, jusqu'à ne plus y voir que des publicités pour la voyance, des tests de QI attrape-clic ou même... des emplacements vides, n'ayant pas trouvé preneur.


Mathématiquement, les revenus baissent pour le site, sa monétisation par la publicité devient de moins en moins rentable.

Jusqu'à ce que l'option de l'avantage en nature de l'éco-contribution devienne la plus intéressante


Comment Valeurs Actuelles rentabilise une éco-mesure

Pendant plusieurs semaines, et jusqu'à très récemment, des bannières Citeo ont été systématiquement affichées sur l'intégralité des pages du site Web de Valeurs Actuelles. Une compensation correspondant à ces affichages sur des centaines de milliers de pages par mois viendra en déduction de l'éco-contribution normalement due par Valeurs Actuelles.

D'accord, il ne s'agit plus là d'une rentrée d'argent mais d'une déduction de taxe. Mais au final, le résultat comptable est exactement le même.


Nous ne connaissons pas les modalités exactes de déduction, à quel prix est facturé chaque affichage. Mais si Valeurs Actuelles emploie massivement cette disposition, c'est probablement parce qu'afficher une bannière Citeo lui rapporte plus que de la publicité programmatique traditionnelle.

Pendant cette période, le dispositif d'exonération de taxe remplace complètement la source habituelle de monétisation du site Web de Valeurs Actuelles (hors abonnements numériques bien sûr).

En permettant à un site web de basculer sur un financement exclusif de la part d'une entreprise à mission, réglementée par décret donc n'ayant pas son mot à dire, ce système ne va pas sans poser son lot de questions.


Des questions éthiques

Les revenus de Citeo proviennent d'une contribution obligatoire réglementée dont les modalités sont fixées par décret et les montants validés par les pouvoirs publics. Citeo n'est donc pas en position de refuser ou de décider s'il accepte tel ou tel mode de paiement. Lorsque Valeurs Actuelles lui procure des millions de vues sur son site Web, l'entreprise ne peut qu'accepter. Son budget communication, au lieu d'être librement géré, se voit alors imposé. Si Valeurs Actuelles avait versé le montant de la taxe par chèque, Citeo aurait pu l'utiliser pour varier ses supports, passer ses bannières sur des sites n'appartenant pas à des groupes media diffusant un support papier, toucher un public plus divers.


Là, il se voit contraint d'accepter d'investir ce budget dans des millions de vues sur un site à l'idéologie extrêmement réductrice, et dont le lectorat est bien loin de représenter la diversité de la population française.


Autre interrogation : vis-à-vis de la concurrence, un site web appartenant à un groupe qui dispose par ailleurs d'une édition papier se voit donc doté d'un moyen de financement supplémentaire dont les autres ne disposent pas. Le fait que l'intégralité de l'éco-contribution puisse être ainsi payée en nature met en jeu des sommes qui sont loin d'être négligeables.


Ensuite, si Valeurs Actuelles (ou l'agence qui gère ses espaces) considère que l'affichage des bannières Citeo est plus rentable que la publicité programmatique, cela ne signifie-t-il pas que ces espaces sont alors négociés à un tarif supérieur à celui du marché ? Citeo serait-il alors contraint pas décret d'"acheter" (par le biais de réduction de la contribution) une prestation à un tarif supérieur à ce qu'il aurait payé dans le cadre de la pub programmatique "classique" ? Cela pose de sérieuses questions sur l'utilisation des montants de cette contribution.


Enfin, nous serions curieux de savoir ce qui se passe lorsque le montant correspondant à la taxe due est dépassé par l'offre en nature d'emplacements publicitaires. Le média (Valeurs Actuelles) se voit-il alors doté d'un crédit de taxe ? Peut-il ainsi préparer une exonération de cette taxe pour les années à venir ?


Quelles solutions ?

Si nous ne mettons pas en question le bien fondé de l'éco-contribution, ni le fait qu'un media puisse la compenser en partie en mettant à disposition ses espaces publicitaires, il nous semble que cette offre en nature devrait être plafonnée (par exemple à 20 ou 30% de la somme due) afin de laisser à l'entreprise gestionnaire la possibilité de varier ses supports de promotion, et que cette éco-contribution ne puisse pas constituer en soi un système permettant de rentabiliser des espaces invendables.


Nous ne savons pas si c'est déjà le cas actuellement, mais il nous semblerait également judicieux qu'il ne soit pas possible d'obtenir un crédit d'éco-contribution en cas d'offre en nature supérieure au montant dû.



Note : interrogé sur plusieurs des points évoqués ci-dessus, Citeo n'a pas donné suite à nos demandes.

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