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Le Programme Partenaire Amazon, nouveau mode de financement de la haine ?

Dernière mise à jour : 22 nov. 2020


Les sites de "fake news" extrémistes cherchent en permanence des moyens de se financer. Ont-il trouvé leur Graal dans le Programme Partenaire Amazon ?


Comment se financer sans effort ?

La désinfosphère a besoin d'argent. De beaucoup d'argent, vu le nombre d'appel aux dons qui émaillent ses sites.



Mais les lecteurs se montrant peu généreux, nombreux sont les sites extrémistes qui tentent de monétiser leur audience avec les techniques classiques d'e-marketing.


La première et la plus évidente de ces techniques est l'inclusion dans les pages du site d'encarts publicitaires rémunérés. Si cela peut être une bonne solution pour des publications classiques, son utilisation auprès de contenus haineux pose deux problèmes:


  • Les annonceurs n'apprécient probablement pas que leurs annonces se retrouvent auprès d'articles nauséabonds, toxiques pour leur image et contraires à leur éthique ou aux valeurs qu'ils promeuvent. C'est là que se situe notre action d'alerte auprès des annonceurs. Ceux-ci peuvent alors, à titre individuel, empêcher leurs bannières d'apparaître sur une liste de sites qu'ils doivent configurer manuellement. Si suffisamment d'annonceurs importants retirent leurs bannières, les emplacements publicitaires deviennent moins chers, laissant la place à des publicités à petit budget, rendant le procédé bien moins rentable, et faisant baisser sensiblement les revenus du site

  • Pire encore, l'exagération, l'accumulation de tels contenus haineux, et le mécontentement d'un grand nombre d'annonceurs qui ont vu leur pub se retrouver là à leur insu peut remonter jusqu'à la régie publicitaire (qui gère la mise en relation entre les annonceurs et les sites proposant des emplacements). Cette régie possède en général des conditions d'utilisation très strictes afin de proposer - en théorie - un réseau d'affichage sûr et de bonne qualité.


Le site problématique peut alors se voir exclu globalement, plus aucune bannière ne lui étant alors proposée. Mais cette décision est rare, et même dans le cas de portails clairement illégaux, comme Breizatao, la décision de la régie peut prendre plusieurs mois. Cela a été le cas avec Google Adsense qui offrait ses services à Breizatao. Le site pro-fasciste a alors dû se tourner vers des régies de troisième zone encore moins regardantes, comme MGID... et sur le programme Partenaire Amazon.


Le Programme Partenaire Amazon

"Existe-t-il une solution permettant de monétiser l'audience du site sans que l'entreprise qui nous paie n'ait son mot à dire ?" se sont demandés les webmasters de la désinfosphère.

Certains se sont alors tournés vers le "Programme Partenaire Amazon"


Voici comment ce système fonctionne :

Le webmaster s'affilie au "Programme Partenaire Amazon" puis place sur les pages de son site des cadres animés et cliquables, gérés par Amazon, montrant un produit particulier ou une catégorie de produits. Si le visiteur clique sur ce cadre et effectue un achat sur Amazon, une commission sur la vente est reversée au site.

Ces commissions, qui peuvent aller jusqu'à 12% du montant de la vente, dépendent de plusieurs facteurs, notamment la catégorie du produit. Un achat de montre ou de bijoux rapportera un pourcentage plus élevé qu'un achat de livres.


Le vendeur (la boutique sur Amazon) ne peut pas s'opposer au versement d'une commission à tel ou tel partenaire (le site partenaire). Parfait pour les sites toxiques, qui bénéficient ainsi d'un totem d'immunité e-marketing.


Par exemple, le site Fdesouche était membre du "Programme Partenaire Amazon", ce qui lui a d'ailleurs valu un article dans le "Canard Enchaîné".

Plus récemment, le site "Boulevard Voltaire", organe de propagande du maire d'extrême-droite Robert Ménard et de ses amis, s'est lancé sur la même piste, espérant ainsi se garantir un revenu malgré l'efficacité de notre action qui le vise.


Est-ce pour autant un long fleuve tranquille ?

Mais la découverte par le grand public que Fdesouche était financé par les vendeurs Amazon France a fait du buzz, et lui aurait valu d'être exclu du programme "Partenaires", le contraignant à chercher d'autres moyens qui eux ne passent pas par un financement forcé de la part d'entreprises non consentantes. Le conditionnel est cependant de mise, ce site n'étant pas (litote) d'une exceptionnelle fiabilité rédactionnelle.


Note: apprécions le cynisme de cette image, de la part d'un site qui demande l'arrêt des opérations de sauvetage en Méditerranée par les ONG

Fdesouche s'est alors rabattu vers l'appel aux dons, méthode qui, au moins, nécessite le consentement de l'intéressé, ainsi que sur des régies publicitaires d'une qualité à la hauteur de son contenu éditorial :



Pour Breizatao, c'est plus difficile à dire : si le webmaster, par paresse ou malice, ne supprime pas les cadres Amazon de ses pages après avoir été exclu du programme partenaire, l'annonce Amazon apparaît toujours sur son site. Le visiteur peut cliquer dessus, effectuer des achats, mais la commission ne sera alors versée à personne. C'est peut-être le cas de Breizatao, mais Amazon se refuse à faire savoir si un compte est encore actif ou non.


Enfin, le nouveau venu, Boulevard Voltaire, vient tout juste de s'affilier au programme Amazon, après s'être financé pendant plusieurs années via Google Adsense. Le blog populiste ne pourra savoir si c'est rentable que dans deux mois, délai laissé par Amazon avant de comptabiliser les ventes et les commissions


Alors, est-ce rentable ?


Cela reste à prouver. Les taux de commission du programme partenaire semblent assez élevés, et les gains potentiels alléchants, mais regardons d'un peu plus près.



Dans le cas idéal, le site montre un cadre Amazon proposant des montres ou des bijoux. Le visiteur clique dessus, et achète une montre à 100€. Le site touchera 11% de commission, soit 11€, versés deux mois plus tard.

Mais si, après avoir cliqué sur ce cadre, le visiteur navigue sur Amazon et achète plutôt un livre à 20€, le site touchera seulement 1.5% de commission, soit 30 centimes d'€, car l'achat (livre) ne correspond pas un objet de la catégorie cliquée au départ (montres/bijoux).


On peut facilement imaginer que le lecteur de Boulevard Voltaire qui consulte l'un des nombreux éditos sur le "Grand Remplacement" et clique sur un cadre Amazon proposant des boucles d'oreilles, va probablement, s'il finit par commander quelque chose, choisir un objet d'une tout autre catégorie.


Ainsi, par expérience, mis à part les sites hyper-ciblés sur le fashion ou le luxe, on sait que le taux de 11% correspondant aux montres et bijoux n'est pour ainsi dire jamais activé, et qu'une grande partie des commissions se fait sur des produits autres que ceux proposés, soit à un taux de 1.5%

Généralement, le taux moyen de commission est au-dessous de 5%.


Cela veut donc dire que pour espérer un revenu de 100€, il faut provoquer la vente, via des clics sur les bannières Amazon incluses dans le site, de plus de 2000€ de produits.


C'est beaucoup, et d'après les chiffres de fréquentation de Boulevard Voltaire ainsi que son lectorat plus intéressé par la haine, le ressentiment et la peur que sur la mode ou l'achat d'objets "trendy", c'est à peu près le maximum de ce que le site pourra espérer par mois.

Bien sûr, le moindre euro qui vient financer la haine et l'intolérance est un euro de trop, mais des revenus réduits à moins de 200€ par mois, c'est déjà pas si mal, non ?


Que peut-on faire ?

  • D'abord, demander à Amazon d'instaurer des conditions claires pour l'accès au programme Amazon, notamment interdire les sites diffusant des contenus haineux ou intolérants. Car Amazon est celui qui, au final, non seulement autorise ou non un site à rejoindre son "programme partenaire" mais aussi comptabilise les commissions et les reverse. Il est donc le premier responsable du financement de sites douteux.

  • Ensuite s'assurer que ces conditions sont appliquées de manière rigoureuse, afin d'assurer aux vendeurs un écosystème sain, ce qui est une responsabilité première du service offert (façon de parler) par Amazon. C'est ce qu'aurait fait Amazon avec Fdesouche (d'après ce dernier) et qui doit être généralisé aux autres sites toxiques.

Notre combat contre le financement du discours de haine n'est pas terminé !

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