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Dans le viseur de la réinfo/fachosphère

Dernière mise à jour : 22 nov. 2020



Sur fond de racisme, sexisme, homophobie, de haine anti-musulmans, parfois d'antisémitisme, une frange de la population, séduite par une théorie du complot sur le modèle "poupées russes", a abandonné les médias traditionnels (mainstream) au profit d'une galaxie de sites supposés leur proposer une information authentique et non filtrée (sic).

Auto-désignée "réinfosphère", elle est communément appelée "fachosphère", bien que nous n'aimions pas ce terme, que nous estimons réducteur. Nous nous y promenons depuis plusieurs années, parfois avec effroi, souvent avec dégoût, mais nous n'avons vraiment pu apprécier son mode d'action que lorsqu'elle a abordé un sujet que nous maîtrisons parfaitement : nous-mêmes.


La "fachosphère" et nous

Ceux d'entre vous qui connaissent notre action ont rapidement compris en quoi elle consistait. Alors que nous nous battons pour que soient fermés les sites illégaux comme Breizatao ou Democratieparticipative, qui, dans leur propos, se réclament ouvertement fascistes, racistes, antisémites, anti-Musulmans et LGBTQphobes, nous tentons également d'assainir les modes de financement des autres sites, eux légaux, qui diffusent le même genre de propagande mortifère dans un emballage plus "soft" et se maquillent en sites d'information généralistes.

Pour cela, nous prévenons les annonceurs publicitaires qui sponsorisent ces sites à leur insu en y plaçant leur bannières de la véritable nature de cet environnement toxique. Ensuite, ils sont libres de décider s'ils retirent leurs publicités de là ou pas. Nous ne menaçons ni ne forçons personne et nous ne faisons pas pression pour la fermeture de ces sites légaux : nous considérons simplement qu'ils doivent être financés par des acteurs informés et consentants.


Boulevard Voltaire : du mépris à l'offensive

En France, notre action sur un blog représentatif de la fachosphère, "Boulevard Voltaire", fondé et animé par Robert Ménard, sa famille et ses amis, a rapidement été couronnée de succès. Alors que les médias traditionnels, de Télérama au Figaro, nous contactaient et publiaient des articles sur notre collectif, nous avions droit à un silence radio des principaux intéressés, qui attendaient probablement que notre motivation s'épuise d'elle-même.



Mais en juillet dernier, voyant que cela ne faiblit pas, et s'apercevant que ses revenus publicitaires fondent comme neige au soleil, le blog extrémiste se présentant comme "un média libre et indépendant", "diffusant sans relâche l’information alternative qu’on ne trouve pas dans les grands médias" en "donnant la parole aux experts ou aux personnalités militantes qui s’opposent à la pensée unique et sont bannis des plateaux télé ou des émissions de radio" passe à l'offensive.


Sa cible ? Notre anonymat. Nous sommes des bénévoles, aucun d'entre nous n'est une personnalité connue, ni même influente sur les réseaux sociaux. Nous menons une vie paisible, entre nos emplois, nos familles, et le peu de temps que nous donnons chacun aux Sleeping Giants, pour défendre une cause et des valeurs qui nous semblent justes.


Nous avons déjà reçu des menaces de violences, et l'exemple des fondateurs de Sleeping Giants USA, dont les identités ont été dévoilées, et qui ont vu leur adresse et le nom de l'école de leurs enfants diffusés sur les réseaux néo-nazis peut donner à réfléchir. Une action en justice briserait notre anonymat et nous exposerait directement aux menaces, intimidations, violences verbales et physiques dont les partisans de ce genre de sites ont démontré être capables. Boulevard Voltaire, qui ne cache pas sa proximité avec les milieux identitaires, le sait. Pense-t-il alors qu'une simple menace de procès pourrait nous décourager ?


C'est pourquoi, le 29 juillet 2019, il publie un billet signé de la rédaction : "Des antifas anonymes harcèlent les annonceurs de Boulevard Voltaire. Nous avons porté plainte !"



Les griefs de Boulevard Voltaire à notre endroit

En remettant dans l'ordre l'argumentaire confus, bourré d'erreurs factuelles (dates, chiffres, méconnaissance de leur propre monétisation) mais ne manquant aucune occasion de s'auto-congratuler, voici les thèmes qui sont exposés :


  • La future loi Avia contre la haine sur Internet les inquiète apparemment beaucoup

  • Nous serions des "antifas" (antifascistes). Les mouvements antifascistes sont structurés, ont leurs propres objectifs et méthodes. Nous ne sommes pas spécialistes du fascisme et nous ne faisons pas, à titre individuel ou collectif, partie d'un de ces groupes. Nous nous intéressons simplement aux sites de "réinformation" qui promeuvent des valeurs qui nous semblent humainement insupportables. Qu'ils s'estiment la cible d'antifascistes en dit long sur leur perception de leur propre idéologie.

  • Nous aurions brusquement décidé de nous faire connaître en lançant une grande campagne de presse, alors que, bien que nous ne sollicitions jamais les médias, nombre d'entre eux nous ont déjà consacré quelques colonnes ou interviews au cours de ces dernières années.

  • Les médias traditionnels seraient "complaisants" et acquis à notre cause. Difficile de juger de cela, mais lors des publications de presse précédentes, interrogés à notre sujet par les journalistes, Boulevard Voltaire avait préféré soit ne pas commenter, soit affirmé réserver ses commentaires pour une éventuelle action en justice

  • Briser notre anonymat est le point crucial de leur action : "Il est temps d’identifier individuellement les auteurs [...], ceux qui les relaient"

  • Notre campagne serait une campagne de harcèlement et nous serions des "cyber-corbeaux"

  • Nous serions également liés à des cyber-attaques visant leur site: "Ce qui est omis [...] est que, concomitamment à cette campagne de harcèlement, notre site a fait l’objet d’attaques informatiques sévères, le rendant inaccessible durant plusieurs heures, des attaques revendiquées par des antifas anonymes et saluées sur Twitter par ceux-là mêmes qui relaient les Sleeping Giants. Convenons que la coïncidence est troublante…"

  • Nous menacerions leur liberté de parole. De quelle manière ? Cela n'est pas précisé, mais qu'importe ? Leur liberté de parole serait-elle dépendante de la publicité ? Faudrait-il qu'elle soit sponsorisée par des entreprises contre leur gré pour être libre ? Quid de notre propre liberté d'expression ?


Déjà les premières contradictions

Mais curieusement, leur manque de logique, couplée à leur volonté de dénigrement systématique leur fait contredire leur propre argumentaire dans le même billet :


  • Notre action serait inefficace : "une opération de si faible envergure, au bilan invérifiable" [...] " la campagne de harcèlement des Sleeping Giants, en dépit de leurs fanfaronnades, n’a eu que peu d’incidence sur le développement de Boulevard Voltaire."

  • Mieux encore, nous leur serions bénéfiques : "Ils font indirectement de la publicité à Boulevard Voltaire, qu’ils en soient remerciés"

  • Nous n'aurions pas compris le principe même de la publicité programmatique car "Il faut s’y connaître comme ma grand-mère en matière de pub sur Internet pour ignorer que, dans ce domaine, « un clou chasse l’autre »"

  • Nous aurions largement surestimé le nombre d'annonceurs (plus de 1000) ayant décidé de ne plus participer au financement de ce site. Alors qu'une liste publique est disponible, et que notre action et les réponses des entreprises intéressées sont visibles sur Twitter.

  • D'après eux, les annonceurs recommenceraient à placer leurs annonces sur leur site dès qu'ils en auraient l'occasion. Vraiment ? Les quelques annonceurs qui réapparaissent après un blocage confirment qu'il s'agit d'erreurs dans la mise à jour de leurs listes de blocage.


Quel serait donc l'intérêt pour Boulevard Voltaire de déposer plainte contre un groupe inefficace et même bénéfique pour eux, n'ayant aucune influence sur leur financement ? Si le préjudice financier était minime, la plainte pour "entrave à l'exercice d'une activité commerciale" n'aurait pas de sens, son but ne pouvant alors être que d'obtenir nos coordonnées afin de décourager notre démarche.


Une diffusion Darwinienne

Les théories, généralement complotistes, en vogue dans la fachosphère, suivent un principe évolutif simple : de nombreuses affirmations non vérifiées, des ressentis, des soupçons, rumeurs, fantasmes, naissent sur un site ou sont lancés par un "idéologue".

Ces éléments sont repris sans vérification par l'ensemble des sites de la sphère, diffusés et commentés sur les réseaux sociaux.

Certains points résonnent plus que d'autres et sont amplifiés, d'autres sont abandonnés. De nouveaux éléments s'ajoutent. La vérité n'importe plus, seul compte le nombre de fois où un thème est repris.


C'est ainsi, par exemple, que le discours extrémiste sur les demandeurs d'asile s'est développé. Les éléments les plus visiblement racistes ont été éliminés sous la pression judiciaire. Les peurs primaires ont été exploitées, la xénophobie, la déshumanisation des étrangers, la hiérarchisation des français selon leur couleur de peau, leur religion ou leur prénom, la peur du métissage, du viol, de la perte de son "identité", le fantasme de l'invasion. Tout ceci se répand, nourri par les théories hallucinées de Renaud Camus avec son complot du "Grand Remplacement" qui serait orchestré en sous-main par des accords secrets. C'est maintenant tellement ancré dans l'esprit des partisans qu'il n'est plus question de le remettre en cause : cela sert de socle à l'élaboration d'autres théories complotistes.



À notre plus modeste niveau, nous avons pu expérimenter ce mode de propagation.


Boulevard Voltaire enfonce le clou (et cherche des sous)

Le 2 août, 4 jours après le premier billet, Boulevard Voltaire remet ça. Le discours est alors simplifié à l'extrême : " Face aux attaques perpétrées, depuis des mois, par les « Sleeping Giants », un groupuscule d’antifas internationaux, qui harcèlent les annonceurs publicitaires de Boulevard Voltaire pour les forcer à se retirer et nous étrangler financièrement, nous avons décidé de porter plainte pour identifier et faire condamner ces activistes et leurs méthodes abjectes. "

L'occasion surtout d'appeler une nouvelle fois aux dons en se posant en victimes. L'annonce du montant dont ils ont besoin pour une action en justice (17 000€) est probablement censée nous effrayer également.

À leur habitude quand il s'agit d'argent, tout est flou, on ne sait pas à quoi servirait exactement cette somme.


Mais la mayonnaise ne prend toujours pas. Darwin est tenace, il en faut un peu plus pour mobiliser les foules et construire la vérité dans la sphère.


L'occasion rêvée : un article sur le site Web de France Inter

C'est la publication d'un article sur le site Web de France Inter qui va lui servir de catalyseur. La fachosphère s'indigne, s'enflamme, se lamente, n'épargne aucune outrance et aucun point Godwin pour dénoncer cet article qui ose les associer à la haine et à la désinformation. Alors qu'on pensait que le fond était atteint, Gilles-William Goldnadel, l'avocat réactionnaire néo-con à l'ego hypertrophié, contributeur régulier de Boulevard Voltaire, multiplie les déclarations hostiles à France Inter et à notre mouvement. L'honnêteté intellectuelle est laissée dès le départ en bord de route au profit des effets de manche et de l'injure.

D'après lui, nous combattrions la "liberté d'expression", nous serions "méchants et hargneux" et notre "faiblesse intellectuelle" nous réduirait à nous conduire comme des "nervis néofascistes". Rien de moins...

Ces propos sont repris par une bonne partie de la fachosphère, et une version expurgée est recyclée pour le blog de GW Goldnadel sur le Figarovox.


Les principaux acteurs de la fachosphère se fond l'écho de tout cela : Égalité et Réconciliation, Dreuz, l'OJIM, jusqu'à "Valeurs Actuelles" qui, en reprenant telles quelles les allégations de Boulevard Voltaire, se classe sans équivoque dans la même sphère.

Certains, comme Dreuz, s'estiment même - à tort - visés par notre action et, après avoir tiré quelques larmes à leurs lecteurs, en profitent pour lancer un appel aux dons. Ce n'est pas la première fois que nous observons des appels au dons motivés par des attaques par des attaques - voire des cyber-attaques - imaginaires de notre collectif.


Et depuis ?

C'était à la mi-août 2019. Après un bref épisode de menaces, d'injures ou de tentatives d'intimidation que nous avons subi sur les réseaux sociaux, le soufflé est retombé. Le sujet est probablement trop complexe et pas suffisamment glamour pour indigner plus de quelques heures le militant raciste, homophobe, xénophobe ou machiste. Après avoir trouvé satisfaction à nous comparer à Hitler, Staline ou les deux à la fois dans un tweet ou un message Facebook, il passe à une autre cible sur laquelle déverser son aigreur.


Donc depuis, rien. Nous continuons notre action loin de l'agitation et de la fureur. De nouveaux annonceurs sont prévenus, nous remercient, et cessent de financer ce blog qui ne porte aucune de leurs valeurs. Une croix de plus sur notre tableau, quelques centimes en moins par mois pour Boulevard Voltaire, un annonceur de plus qui prend conscience de ses responsabilités.


Tout est tellement calme qu'on peut se demander si Boulevard Voltaire a réellement porté plainte ou s'il s'agit d'un nouvel exemple de "fake news" auxquelles ils nous ont habitués. Et accessoirement, celle-ci leur aurait permis de justifier un nouvel appel aux dons. Pourquoi s'en seraient-ils donc privés ? Ont-ils réalisé que la monétisation de leur site par la publicité généraliste ne fonctionnait pas sur des contenus aussi clivants et objectivement ignobles que les leurs ?

Envisagent-ils un nouveau type de financement et veulent sauver la face en se posant en victimes d'un complot international ?

Depuis le 2 octobre, les publicités Google Adsense ont été remplacées par des images cliquables dans le cadre du partenariat Amazon, une méthode de monétisation à priori bien moins lucrative.

Nous mettrons ce billet à jour si cela devait changer.

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